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Comment caractériser le malaise qui traverse actuellement nos sociétés ?

  1. Ce malaise reflète l’angoisse, les injustices, l’inadéquation politique et la peur de l’inconnu, la crise économique qui se manifeste par la pénurie.  Si ce malaise n’est pas inhérent à la nature même de l’homme, par contre il révèle la tension qui caractérise le développement de l’homme pris par le cheminement de son humanisation et de la socialisation indispensable : sa capacité à affronter le collectif social.
  2. Cette tension se manifeste historiquement par le désir d’affirmer sa singularité sociale comme sujet et de dépasser la condition d’acteur imposée par la conformité économique du rapport marchand.   Fruit de l’opposition entre les besoins de l’homme et les exigences sociales collectives, cette tension devient contradiction avec le développement du rapport marchand et l’apparition de la logique de la valeur. 

L’évolution du rapport marchand vers un rapport capitaliste

  1. Ce rapport marchand transforme le partage initial en accaparement.  Il défend la propriété par le passage de l’accaparement à l’appropriation.  Il y a confusion entre différenciation indispensable, et privatisation qui permet l’appropriation.  Le rapport marchand justifie l’Indifférenciation des besoins, le « Laisser faire », l’accaparement des objets, le « Conserver », le « Prendre », l’« accumuler », l’« exclure », et instaure la hiérarchie des relations.  Cela s’oppose à la socialisation.  Il s’agit là de la base de l’aliénation.
  2. Le rapport marchand impose, par la violence l’appropriation, un agir différent : la privatisation qui implique un simple FAIRE, pour réduire l’homme à un objet instrumentalisable.  Pour agir sur le monde, le rapport marchand n’a besoin que du FAIRE afin de s’approprier, de reproduire et restituer. Il permet la circulation « d’objets marchandises ».  Il permet l’échange des produits.  Il instaure un fonctionnement de l’échange.  Il permet le développement économique. 
  3. Il dépasse la pénurie initiale.  Mais si le rapport marchand fournit un semblant de sécurisation, il développe la grégarité. Le rapport au travail se modifie.  La création de marchandises favorise le développement de la valeur et amène à la transformation du travail. 
  4. La tension s’exaspère et devient « contradiction » entre le PARTAGE solidaire et l’accumulation de la valeur.  Il s’agit à d’une contradiction fondamentale qui s’exprime par la condition du prolétariat.  Mais il impose une certaine vie  sociale.  Il influe l’éducation, et développe un discours sociétal adapté.

 

Comme l'écrit Marx (La question juive), la société bourgeoise est « la sphère de l'égoïsme, de la guerre de tous contre tous. Elle n'est plus l'essence de la communauté mais l'essence de la distinction. Elle est devenue ce qu'elle était originellement; elle exprime la séparation de l'homme de sa communauté, de lui-même et des autres hommes ». 

 

Le capitalisme en marche

  1. Dans de vastes zones de la planète, le capitalisme n'a étendu sa domination qu'au cours du siècle dernier.  Cette situation a été précédée par la phase de découvertes de l’autre monde, où le rapport marchand a pu exploiter les richesses du nouveau monde.  Pourtant, le capital a plus révolutionné le monde que toutes les formes sociales qui l'ont précédé.  S’agit-il pour autant d’un progrès ? 
  2. Historiquement, le rapport capitaliste résulte d'un long combat pour rendre possible la liberté de pouvoir vendre et acheter, et se transformer en rapport capitaliste.  Ainsi, le MPC de la modernité ne tombe pas comme un éclair dans un ciel bleu. 
  3. Il a fallu dégager l’homme des contraintes initiales d’un Tiers prépondérant : la Divinité.  Le combat de la bourgeoisie contre le despotisme féodal s’effectue au nom de la démocratie.  Ce combat se réalise au nom du peuple.  Ce combat se poursuit tout au long du XIXème siècle, alors que le rapport capitaliste prédomine complètement, alors que la bourgeoisie contrôle réellement l’État.  L’État est devenu le garant de cette évolution. 
  4. Mais, s’il émerge du cadre devenu obsolète de la société féodale, ses caractéristiques internes et sa manière de se développer et d’amplifier les forces productives vont en faire un mode de production qui marque un tournant pour l’histoire de l’humanité, tournant qu’on peut résumer dans l’exacerbation de cette alternative : socialisme ou barbarie pour l’humanité dans son ensemble. 
  5. Le développement des forces productives et de l’activité créatrice de l’homme, permet l’apparition d’un « surtravail » qui débouche sur une division du travail et une division en classes.   Marx a mis en évidence les transformations amenées par le développement de la machine.  Celle-ci tend à rompre le rapport intime entre l’homme et les moyens de production.  La machine réduit l’ouvrier à un ensemble de gestes prédéterminés, sur lesquels, il n’a aucun pouvoir.  Et c’est le même rapport qui s’installe à l’intérieur des sphères de production.
  6. Fruit de l’opposition entre les besoins de l’homme et les exigences sociales, une tension fondamentale devient contradiction avec la transformation du rapport marchand en rapport capitaliste. 
  7. Historiquement cette tension s’exprime par la révolte contre la soumission de l’homme aux nécessités d’accumulation du système en place.  Cela s’expriment, à des degrés différents certes avec les révoltes d’esclaves, de la plèbe romaine, Spartacus, les Révoltes paysannes, par les luttes ouvrières.

 

Ce que signifient toutes ces révoltes :

  1. Ces révoltes expriment le désir, certes inconscient, de s’assumer comme sujet, de briser la réification, d’aller à la rencontre de leur être.  Elles manifestent une double négation : celle d’abord d’un refus d’aliénation, où l’homme, sous l’effet du rapport marchand capitaliste, devient étranger à lui-même, celle ensuite d’une réaction contre la réification, où il en est réduit à devenir un simple outil d’accumulation.
  2. De tout temps, l’homme se questionne : par rapport au passé, à sa vie, son avenir.  Il existe bel et bien un mouvement historique de différenciation qui permet au sujet d’advenir et de se positionner contre l’indifférenciation originelle, voire de se « révolter » comme les diverses luttes qui se sont développées le démontrent. 

Le questionnement

  1. Ce questionnement résulte de la capacité de réflexivité propre à l’homme.  Ce questionnement est fondamental et pose à partir de la quête insensée d’immortalité à laquelle il est confronté et de la recherche de la survie matérielle lui permettant d’affronter le monde hostile qu’il découvre,  la possibilité d’y répondre par l’élaboration concrète d’outils de survie.  Est mis ainsi en évidence la dualité première de la personne humaine : la nature du lien entre l’existence éphémère  du corps et le principe même de la survie, dans l’univers, en fonction d’une transformation nécessaire des conditions de cette survie.  Ce questionnement est exacerbé par les conditions d’exploitation du capitalisme.

Révoltes, grèves, l’homme s’est toujours positionné pour un possible différent, pour l’utopie. 

Mais quel questionnement ?

  1. C’est quoi l’homme, et qu’est ce qui fait que la réponse est plus difficile aujourd’hui, alors que nous sommes confrontés aux horreurs guerrières et autres génocides, aux catastrophes écologiques qui menacent la survie de notre humanité.  Celle-ci produit historiquement un questionnement chez le prolétaire permettant de le situer comme sujet agissant qui s’oppose au Discours sociétal des classes dominantes visant à le maintenir dans un état de soumission.
  2. Le processus est la capacité, pour des individus isolés, de se grouper dans un intérêt commun, collectif, de se mettre à réfléchir à comment s’opposer, comment obtenir qq chose qui leur est refusé (augmentation de salaire, lutte contre les licenciements).
  3. On peut dire de la lutte revendicative qu’elle reste dans le cadre du capitalisme. C’est un processus qui contient la potentialité de la réflexion commune et donc, de la remise en question et de la perception de quelque chose du rapport social où prolétaire et bourgeoisie sont placés. Mais ce n’est pas parce que le processus se met en place qu’il va nécessairement impliquer un contenu positif ou nécessairement déboucher sur des prises de conscience importantes.
  4. Néanmoins, la prise de conscience ne peut se faire en dehors de ce processus, qui est d’une certaine manière un préalable. Il ne s’agit donc pas de « sanctifier » le mouvement pour le mouvement mais de se dire que le mouvement est un processus préalable, nécessaire et fondamental dans la rupture de l’isolement individuel et qu’il peut éventuellement déboucher sur une réflexion collective d’une autre qualité.
  5. L’enjeu, c’est le rapport au monde.  Le futur est-il donné, inscrit inéluctablement dans perpétuation du rapport marchand, ou bien en perpétuelle construction, impliquant la possibilité de changement, de révolution. 
  6. Comment concevoir la créativité humaine ou comment penser l’éthique dans un monde déterministe ?  Cette question soulève le problème de la vision historique des transformations sociales : quelle est la place de l’homme dans ces changements ? 
  • L’homme en est-il réduit à jouer un simple rôle prédéterminé par des forces extérieures
  • ou l’homme est-il, dans une situation donnée, sujet de son histoire, capable de renverser l’ordre social ? 

Questionnement prolétarien

  1. Les  luttes font apparaître une autre question : pourquoi la confiscation par d’autres des moyens de survie ?  Pourquoi la confiscation du surtravail ?  Pourquoi notre condition d’exploité ?  Il s’agit donc de comprendre ce lien, cette articulation entre conditions objectives et subjectives, et de mettre en évidence la conscience  Ce lien émane du processus de questionnement provoqué par les contradictions sociétales du capitalisme. 

Et cette question est relayée par Marx :

« Comment des êtres dépossédés du contrôle et des finalités de leur propre travail, soumis aux “ effets abêtissants du travail obligatoire ”, mutilés physiquement et mentalement par le despotisme de la fabrique, subjugués par le fétichisme de la marchandise, peuvent-ils malgré tout briser le cercle de fer de l'oppression et de l'exploitation ?   Par quel prodige ce prolétariat réellement existant peut-il s'arracher au monde ensorcelé du Capital ? ».

 

En un mot : Qu’en est-il du sujet révolutionnaire ?  Notre réponse

  1. Les deux termes, classe ouvrière et prolétariat, spécifient l’aliénation humaine, condition qui ravale l'homme au rang d'une bête de somme, esclave de l'État et de l'Argent, du moins c’est ce qui transparaît de la vision de Flora Tristan et de son ‘Union Ouvrière », qui a influencé MARX, lorsqu’il résidait à Paris.  Marx abandonne le plan purement éthique pour celui des luttes sociales et politiques.
  2. « Le Manifeste communiste » précise le changement opéré chez Marx qui a abandonné son idée initiale d'un prolétariat, matière passive de la spéculation révolutionnaire. Son nouveau point de vue est tout à l'opposé du premier :

« L'histoire de la société jusqu'à nos jours n'a été que l'histoire de la lutte des classes ... Le caractère distinctif de notre époque est d'avoir simplifié les antagonismes de classe. La société se divise de plus en plus en deux vastes camps ennemis, en deux grandes classes diamétralement opposées : la bourgeoisie et le prolétariat ». ”

  1. Le Manifeste communiste s’ouvre sur cette déclaration de guerre sociale, immédiatement vérifiée par les massacres de juin 1848.  La théorie révolutionnaire n'est que l'expression du mouvement spontané, autonome, de la classe ouvrière, de la Selbsttiitigkeit historique du prolétariat.  L'Idéologie allemande - écrite en collaboration avec Engels en 1845-1846, mais abandonnée faute d'éditeur à la « critique rongeuse des souris» - fonde ce qu'on pourrait appeler la sociologie « matérialiste » de Marx. L'œuvre représente un progrès sensible sur la conception du prolétariat exposée dans la Sainte Famille (1844). C'est dans cet ouvrage que l'idée ambiguë d'un prolétariat rigoureusement déterminé par l'histoire prête le flanc au reproche d'historicisme adressé à Marx par certains critiques.
  2. En effet, sa description du prolétariat ressemble assez, par le style, à la déclaration pathétique des débuts. La nouveauté réside dans l'utilisation qu'il fait de ses études économiques.  Son raisonnement peut se réduire à ceci : l'institution de la propriété privée est condamnée à disparaître'" en vertu de sa propre dynamique, puisqu'elle engendre la force qui représente sa négation: le prolétariat.
  3. Nous tenons dans ce texte de 1844 la Sainte Famille (1844)  l'essentiel de la loi dite - de la paupérisation du prolétariat formulée, plus de vingt ans plus tard, dans le Capital, en termes plus savants, plus techniques. Nous y trouvons en outre, exprimée avec un lyrisme débordant, la fameuse dialectique de la négation, également reprise dans le Capital.
  4. À première vue, l’analyse de Marx paraît se réduire à un pari sociologique sur “ la constitution des prolétaires en classe dominante ”. La préface d'Engels à l’édition de 1890 le confirme : "Pour la victoire définitive des propositions énoncées dans le Manifeste.  Marx s'en remettait au développement intellectuel de la classe ouvrière, qui devait résulter de l'action et de la discussion communes."  Comme si le développement social du prolétariat devait entraîner mécaniquement son émancipation politique et suffisait à le constituer "classe dominante” !
  5. Mais nulle part ailleurs, Marx n'a révélé avec autant de force le fond éthique de sa théorie du mouvement social que dans ces quelques lignes de la Sainte Famille: « Peu importe ce que tel ou tel prolétaire ou même ce que le prolétariat tout entier s'imagine être son but, momentanément. Ce qui importe, c'est ce qu'il est réellement et ce qu'il sera historiquement contraint de faire conformément à son être. Son but et son action historique lui sont tracés visiblement et irrévocablement dans les circonstances mêmes de sa vie, comme dans toute l'organisation de la société bourgeoise actuelle. »
  6. La définition de l’homme prolétaire implique de récuser toute justification utilitaire, au profit d’une auto réalisation de soi visant la satisfaction de soi, et la satisfaction en soi, vision esthétisante de l’homme, permettant ainsi le développement et l’épanouissement de la personnalité.   Une des rares définitions concises nous est présentée dans une note du Capital, livre 1 :

« Par prolétaire, au sens économique, il faut entendre le travailleur salarié qui produit du capital et le met en valeur; il est jeté sur le pavé aussitôt qu'il est sans utilité pour l'appétit de plus-value du... capital. »

  1. Engels écrit: « L'histoire ne fait rien... C'est plutôt l'homme réel et vivant qui fait tout cela... ».  Mais quel  homme ?  L'homme n'est pas l'instrument passif de l'histoire érigée en personne poursuivant ses propres fins.  Nous pouvons ainsi mettre en évidence que l'homme se crée lui-même au cours de l'évolution de l'histoire.  Le facteur essentiel dans ce processus de création de la race humaine par elle-même est constitué par ses rapports avec la nature.  Au début de son histoire l'homme est enchaîné par la nature et transforme progressivement les rapports qu'il a avec elle et par conséquent se transforme lui-même.
  2. Il s’agit d’Une vision dialectique qui insiste sur l’activité du prolétariat comme facteur de changement.  C'est dans Le Dix-huit Brumaire ou dans La lutte des classes en France, qu'il faut chercher la lutte des classes en actes, dans toute la plénitude de ses déterminations. Elle est toujours irréductible chez Marx à une description phénoménale des intérêts sociaux opposés. Elle est au cœur de l'accumulation capitaliste et de ses crises.
  3. Ce que révèle le sujet révolutionnaire en action : Le communisme ne peut être qu’une rupture consciente avec l’ordre K par le Refus de la formalisation, l’Arrêt du travail, la Disparition du salariat, la Pratique de la solidarité.  Ces éléments pratiques remettent en cause la valorisation.

Le sujet révolutionnaire se manifeste au travers de la tension exercée par la contradiction capitaliste, et que cela impliquait pour le prolétaire la possibilité de fournir une double réponse :

  • Une réponse logique, qui le positionne en tant qu’acteur potentiel demandant des réformes.  Il s’agit des diverses variantes de la récusation du sujet révolutionnaire.
  • Une réponse dialectique, qui détruit le rapport capitaliste, et où il se positionne en tant que sujet révolutionnaire.  Cette dialectisation impliquait, me semble-t-il, une conscientisation interpelante et questionnant.

 

Ou bien la réalité est acceptée comme objet immuable pour l'essentiel toujours identique à lui-même, Ou nous faisons face à un monde de toute éternité opaque et en définitive inhumain, tout au plus susceptible d'être modifié par une puissance qui aliène l'homme, vision qui se base sur le déterminisme,

  • le volontarisme, l’idée que la classe ouvrière ne peut développer sa lutte que sur un terrain revendicatif, et qu’il faut pour organiser la lutte

Un Parti, une direction qui organise cette lutte de l’extérieur pour que celle-ci débouche sur le terrain politique ;

Ou une auto organisation.

Ou

ou bien nous nous voyons en situation dans le monde et agissant sur ce monde qui, à son tour agit sur nous[1].  ou la réalité est reconnue comme objet toujours modifiable par la pratique consciente. 

La négation du K s’exprime par l’action de « grève » du prolétariat. 

  1. Mais ce qui importe, c'est le travail.  Le travail est le facteur qui sert de lien entre l'homme et la nature, c'est l'effort que fait l'homme pour réaliser ses échanges avec la nature.  Le travail est l'expression de la vie humaine et c'est par lui que les rapports de l'homme avec la nature se transforment et que l'homme se transforme lui-même.  Les conditions créent l'homme, mais celui-ci crée aussi ces conditions.  Il faut donc analyser la nature humaine en général puis la nature humaine telle qu'elle se modifie à chaque époque historique.
  2. Ceci permet à Marx de théoriser la possibilité contenue dans le travail de l’ouvrier, à partir du moment où le capital est devenu autonome.  Nous sommes en présence ainsi d’une vision dynamique rendant les choses possibles ou non.  Il pose ainsi la possibilité du travail et de sa réalisation effective, posant du même coup la réalité de la chose.
  3. Le travail doit donc être vu comme une simple possibilité qui dépend de la contingence de la réalité effective du capital, contrôlée par les propriétaires du capital.  Les formes prises par le capital, le travail et leur antagonisme ont profondément changé au cours de ce dernier siècle.

La grève

  1. C’est parce qu’il est placé dans le rapport capitaliste que le prolétaire est contraint de se voir comme un simple objet : il est une marchandise dans le rapport social et vend sa force de travail comme une marchandise également. Là se trouve la dialectique de sa situation : c’est parce que l’homme et son travail deviennent un objet que l’homme peut penser qq chose de cet objet extérieur à lui-même. De la même manière que l’inhumanité dans laquelle le capitalisme place l’individu pousse celui-ci à retrouver son humanité, c’est le fait d’être placé dans une situation d’objet qui pousse le prolétariat à sortir de ce statut.
  2. L’arrêt de production, outre la dévalorisation du capital, permet ainsi au travailleur de se repositionner, et de redevenir, par sa non-production, un créateur potentiel d’une nouvelle harmonie, désaliéné par rapport à la valorisation possible de la marchandise.  C’est par ce biais que l’homme se réapproprie le monde, qu’il retrouve le plein usage de tous ses sens corporels – mouvement de solidarité et d’expressivité qui est récupéré par les gauchistes dans leurs fêtes.
  3. La grève est la possibilité concrète où la classe ouvrière peut s’affirmer et se nier en tant que prolétariat.  Les luttes « classiques » (grèves, occupations, émeutes, insurrections, etc.) transforment ceux qui y participent; les prolétaires y mènent des actions/réflexions qu'eux-mêmes n'auraient souvent pu imaginer avant. Cela est rendu possible parce que le quotidien chiant, l'activité quotidienne aliénante et abrutissante, les rapports sociaux habituels se trouvent 'bouleversés et/ou interrompus. De nouveaux rapports se créent; on a le temps de se rencontrer, de discuter, de réfléchir, etc. Certains diront que « la conscience de classe se forme dans la lutte» (Otto Rühle). Et plus la lutte est intense, plus cette transformation est profonde.
  4. Cette action de grève peut arrêter le processus d’accumulation et de valorisation.  La lutte du prolétariat peut nous montrer comment peut se développer le communisme.  Marx disait que la révolution surgirait du prolétariat conscient, parce qu’il vit l’inhumanité, et qu’il peut la dépasser.  Elle s’attaque au capital à ce niveau plus général de sa domination. La forme fondamentale de la domination du capital sur le travail, c’est son monopole sur les moyens de production et la séparation complète où cela place le prolétariat. Dans sa définition même, la grève attaque à ce niveau: elle prend possession de telle ou telle partie du capital pour nier cette modalité fondamentale de sa domination.
  5. Ce qui compte, c’est que le prolétariat trouve tout à coup, en lui-même la potentialité de changer la société qu’il a produit et reproduit pas son travail. Cette capacité est en rupture avec ses luttes quotidiennes, qui ne visent pas le changement de société, mais l’aménagement du rapport social capitaliste.
  6. Par cet acte de négation, l’homme prolétaire peut se manifester : refus du travail aliéné, débouchant sur une possibilité d’activité créatrice.  Il s’agit d’un mouvement dialectique s’ouvrant sur l’affirmation du prolétaire en tant qu’homme non aliéné, se manifestant par la solidarité.  On peut ainsi entrevoir une définition de la société communiste.
  7. Dans « L’Idéologie allemande », Marx résume parfaitement la question de la survie de l’homme : au tout début, les hommes ont trouvé les conditions favorables à leur développement.  En produisant leurs moyens d’existence, ils transforment la nature et se transforment eux-mêmes
 

[1] LUCKACS, G. (1960 ).  Histoire et conscience de classe.  Paris.  Edition de Minuit. (collection Arguments).

 

La perspective de la lutte

  1. L’arrêt de production, outre la dévalorisation du capital, permet ainsi au travailleur de se repositionner, et de redevenir, par sa non-production, un créateur potentiel d’une nouvelle harmonie, désaliéné par rapport à la valorisation possible de la marchandise.  C’est par ce biais que l’homme se réapproprie le monde, qu’il retrouve le plein usage de tous ses sens corporels – mouvement de solidarité et d’expressivité qui est récupéré par les gauchistes dans leurs fêtes.
  2. Marx nous le rappelle lorsqu’il dit que les travailleurs s’approprient un besoin nouveau, un besoin social, la fraternité humaine au moment où ils décident de ne plus produire pour l’accumulation du capital.  Ceci s’oppose à toute démarche métaphysique cherchant l’humanité à rendre compte de ses actes devant une instance supérieure : Dieu, l’État ou le Parti.  Cela s’oppose aussi à toute raison instrumentale prétendant que les hommes existent en raison d’objectifs sociaux déterminés : le bien social réalisé en fonction de l’État, du Parti.
  3. Ce qui revient à poser la question de la crise et des conditions de la reprise de la lutte des classes, reprise d’autant plus difficile que la contre-révolution a été et reste la plus longue de toute l’histoire, et traverse plusieurs générations.
  4. Le but immédiat, moment isolé, implique que la classe ouvrière reste soumise à la structure économique et à ses lois. Le prolétariat n’exprimera sa nature révolutionnaire que quand il sera incorporé au processus d’ensemble, càd quand il sera relié au but final, qui le renverra au-delà de la société capitaliste. Les prolétaires ne peuvent s’emparer des forces productives sociales qu’en supprimant le mode d’appropriation qui était le leur jusqu’ici et par la suite tout l’ancien mode d’appropriation. C’est bien cette dialectique interne qui rend la situation si difficile pour le prolétariat : satisfaire ses besoins ne peut se faire, au bout du compte, qu’en abolissant le rapport social et économique dans lequel il est placé. C’est donc ça le moteur du mouvement et surtout la potentialité globale contenue dans le mouvement. La conscience n’est pas quelque chose qui existe au-delà ou en-dehors du prolétariat, apporté du dehors par l’organisation politique mais quelque chose qui naît du mouvement même du prolétariat.

L’insatisfaction

  1. La domination réelle du capital a changé les donnes, non pas de l’exploitation, mais des conditions où celle-ci est exercée.  Cette situation rend délicate, de par la réalité de l’exploitation capitaliste contemporaine, l’expression de l’homme.  Pourtant, de par la centralisation du capital réalisé par le mouvement d’accumulation, de par la socialisation imposée par le capital à des pans de plus en plus large de la planète, les conditions de cette généralisation potentielle sont remplies également.  La mondialisation participe également à cette évolution, où comme je l’ai défendu dans le texte sur la postmodernité de l’État, des préoccupations deviennent de plus en plus globales, forgeant ainsi la possibilité de l’apparition d’une conscience nouvelle, à l’échelle planétaire.
  2. On assiste à une prolétarisation croissante qui provoque une insatisfaction profonde, liée à la frustration toujours croissante des habitudes et des goûts anciens.  La consommation des biens, de pseudo rapports entre les individus renforce le spectacle de l’insatisfaction.  Cette insatisfaction tente à se généraliser.  Il ne s’agit pas tant de démontrer que le vieux monde doit être, et va être, détruit, que de comprendre le déroulement de cette destruction.

Les limites de l’aliénation

  1. Tandis que le capital a besoin des meilleurs fonctionnaires pour assurer sa continuation, il a également besoin d’autre chose : la capacité de contrôler la population, pour garantir son hégémonie sur l'ouvrier collectif, qui nécessite une capacité de placer la population humaine comme  sujets dans un moule. Une facette du passage de la domination formelle  à la domination réelle du capital, est un changement concomitant d'une domination basée sur la force ou la coercition pour contrôler la classe ouvrière vers une domination basée sur la capacité à mettre en forme idéologiquement le "matériel" humain qu’elle doit contrôler ; pour mettre en forme l’espèce humaine comme un certain genre de sujet.
  2. Nous ne parlons pas de simples mystifications, de  tours de passe-passe, par lesquels la classe ouvrière est amenée à accepter la règle du capital. Il s’agit plutôt de former et re-former  profondément la culture, les besoins, la psychologie et l'anthropologie mêmes de l'être humain ; sa  subjectification.
  3. La forme valeur n'est pas un certain type de manteau que l'humanité peut simplement enlever quand le temps change, certainement pas à l'époque de la domination réelle du capital, où sa loi, culturelle, économique et politique, devient  totalitaire.
  4. Le capital n'a pas réussi à effacer les mémoires  collectives es luttes de l'humanité contre l'exploitation, incluses dans l'histoire de chaque culture et ordre social, et tout particulièrement les luttes de la classe ouvrière, des mémoires que la mondialisation même du capitalisme diffuse universellement ; des mémoires qui peuvent être réactualisées, en particulier dans une période de crise. D'ailleurs, un des moyens que le capital doit utiliser afin d'échapper à sa spirale économique de descente aux enfers est l’accélération du développement des forces productives, incluant particulièrement la force productive de l'humanité, de l'ouvrier collectif.
  5. Cela exige  la créativité   et  l'innovation   de la part des ouvriers, sans lesquels la stagnation scientifique et technologique régnera. D'une part, le capitalisme a besoin de la créativité et de l'innovation fournie par l'ouvrier collectif pour assurer ses propres bases économiques, la compétitivité des entités capitalistes ; d'autre part, cette créativité et cette innovation ont le potentiel d'échapper au contrôle du capital pour se dégager des modes régnants de la science et de la technologie intégralement liées à la loi de la valeur, re-animer les tendances mêmes à la résistance et à la rébellion que le capital cherche à effacer de la créativité et de l'innovation, mais qui sont peut-être  inhérentes à celle-ci. 

La lutte du prolétariat peut nous montrer comment peut se développer le post capitalisme.

  1. Marx disait que la révolution surgirait du prolétariat parce qu’il vit l’inhumanité. Donc, la vision positiviste du communisme comme résultat direct du développement des forces productives est erronée, mais la vision négativiste du communisme qui s’éloigne l’est aussi. La pénétration de la loi de la valeur accroît l’inhumanité, mais peut-être est-ce par là que l’homme peut découvrir l’humanité en lui.  L’idée de l’homme comme anti-nature, comme totalement extérieur à la nature est certes une aberration.  La nature de l’homme est à la fois un pur donné biologique (nous sommes des primates) et son activité d’homme modifiant en lui-même et hors de lui le pur donné naturel.
  2. Il n'y a aucune inévitabilité : le communisme ne succède pas nécessairement à une crise économique dévastatrice - les années 30 devraient avoir démontré cela  – et la domination réelle du capital s’est accélérée au cours des huit dernières décennies. Cependant, les révolutionnaires ne crieront pas "salut la crise," tout avertis qu'ils sont que la crise n'a pas nécessairement comme conséquence la révolution, qu'elle cause une douleur énorme pour la classe ouvrière et peut mener à une "barbarie," toujours plus grande,  à la xénophobie, à la guerre et au genocide.
  3. La crise elle-même est inévitable ; ses résultats ne le sont pas. Un effet de la crise actuelle sera de briser le "normalité" de la croissance économique, de remettre en question  la foi dans les avantages de la science et des technologies régnantes. Aux questions qui se posent à mesure que le processus de normalisation s’écroule, le capital essayera de fournir ses propres réponses. Pourtant aucune de ces "réponses" ne peut résoudre la nécessité qui se trouve au cœur de la forme  valeur, c’est-à-dire le fait que  "... sa  production évolue en contradictions qui sont constamment surmontées mais également constamment posées en principe. L'universalité vers laquelle elle lutte de façon irrésistible  rencontre des barrières de rencontre en sa propre nature, qui, à une certaine étape dans son développement, lui permettra d'être identifié comme étant lui-même la plus grande barrière à cette tendance et par conséquent conduira vers sa propre suspension.. Ricardo et toute son école n'ont jamais compris les crises modernes réelles au cours desquelles cette contradiction du capital se déchaîne en des tempêtes qui le menacent de plus en plus en tant que fondement de la société et de la production." Karl Marx, Manuscrits de 1857-1858 (Grundrisse), Paris, Éditions sociales, I, pp. 349-350."

Comment construire le monde nouveau. 

  1. Question fondamentale à laquelle de nombreuses réponses ont été apportées, réponses manifestement pas très satisfaisantes : réponses utopistes, marxistes, anarchistes, nihilistes, religieuses,… Il y a la foi en Dieu, dans le parti, dans la nation, dans l’État,…
  2. Il est évident que le schéma de la révolution russe est dépassé.  Mais un doute subsiste, chez certains, une nostalgie du marxisme léninisme.  Il s’agit de réfléchir à la possibilité de la révolution, en tenant compte de la nécessité de cet accomplissement.  Il nous apparaît que la conception matérialiste telle que nous pouvons la comprendre est une pensée des conditions matérielles de l’action et de l’activité transformatrice de l’homme, permettant, rendant possible la libération de la sujétion de classe.  En ce sens, il est difficile de relier une telle compréhension à la notion de déterminisme, ou à une quelconque utopie.
  3. Il s’agit d’une liberté de faire, et non d’une nécessité déterminée, d’une liberté comme affirmation et réalisation de soi, comme libération de toute contrainte de classe.  Ceci implique le libre épanouissement de l’individu, et non son absorption dans un tout indéterminé.
  4. L'histoire nous montre qu'il y a toujours changement possible. Le capitalisme n'échappe pas à cette logique : un changement est nécessaire. Mais, le passage à une autre société implique une révolution politique. Il est manifeste aussi que toutes les tentatives de réformes, de transformations « humanitaires » du système d’exploitation capitaliste se sont soldées par des échecs.  La logique du capital est implacable, et les besoins d’accumulation et de capitalisation n’ont que faire de sentiments de compassion

Le passage possible vers le communisme

  1. L’alternative « socialisme ou barbarie » pouvait sembler une formule abstraite dans les années où l’illusion était encore possible, mais aujourd’hui,  elle démontre quotidiennement la cruauté de sa vérité dans la vie de chacun d’entre nous.  Si en 1848 le communisme était un espoir,  en 1917, l’action du prolétariat rend possible cette révolution et rappelle que si la société change, ce sont les hommes qui sont moteurs de ce changement, en fonction des possibilités matérielles et historiques.

La difficulté de décrire la société future 

  1. C'est dans L'Anti-Dühring qu’Engels théorise l'évolution de la société vers la société communiste.  Il rappelle que le stade premier de propriété commune est nié par la propriété privée, la transformation de la propriété commune en son contraire, la propriété privée.  Mais à son tour, la propriété privée devient une entrave à la production et se transforme en son contraire, la propriété commune, un retour à l'état originel, mais à un niveau plus élevé.  La propriété privée, négation, porte en elle sa négation. 
  2. Ce processus illustre la troisième des lois dialectiques, la négation de la négation.  Cette formule ne signifie pas l'annulation pure et simple d'un état, mais la réalisation, par la lutte, d'un stade d'évolution plus élevé, l'aboutissement à une synthèse nouvelle, de laquelle naîtront des contradictions nouvelles, à leur tour source d'une évolution nouvelle.
  3. Marx a très peu abordé ce qui se passera après que les contradictions auront été résolues, résolution de la contradiction, signifiant pour lui le début de l’histoire humaine.  Il est évident que cette histoire future nous échappe encore, du moins dans la formulation langagière que l’on pourrait en faire.  Il ne s’agit pas de sauter au-dessus de notre temps pour imaginer un monde utopique. 
  4. Ainsi, la division du travail, dans le cadre des sociétés de classes instaure un divorce entre l’individuel et l’universel en raison même du parcellaire que cela implique enfermant l’homme et l’empêchant d’exprimer toutes les potentialités de son être générique.  Dans l’Idéologie Allemande, Marx, à propos de la société communiste, affirme que personne ne sera enfermé dans un cercle exclusif d’activités et que chacun pourra se former dans n’importe quelle branche de son choix.
  5. Qu'en est-il de cette axiomatique des forces productives, de cette genèse dialectique des modes de production d'où s'élance toute théorie révolutionnaire, qu'en est-il de cette richesse générique de l'homme qu'est la force de travail, qu'en est-il de ce moteur de l'histoire, et qu'en est-il de l'histoire elle-même, qui n'est « que celle de la production par les hommes de leur vie matérielle » ?
  6. Cette possibilité de la transformation du travail en activité différente est possédée par l’ouvrier en dehors du travail effectif, dont il a été dépossédé, et auquel il est aliéné : les marchandises, les moyens de production, les valeurs qui « appartiennent » au propriétaire capitaliste.  Ainsi, c’est le capital qui devient la réalité effective.

La tâche des révolutionnaires

  1. La tâche des révolutionnaires consiste à montrer où la logique terrifiante de la forme  valeur mène, dans cette époque de retrogression sociale; elle consiste à fournir différentes réponses aux questions qui commencent à être posées, à intervenir dans toutes les fissures qui s'ouvrent dans l'édifice de la normalité capitaliste ; pour se consacrer au travail de cette vieille taupe de révolution et à la possibilité de créer une communauté humaine.       

FD

Tag(s) : #Luttes
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