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Comment peut s’exprimer le prolétariat en tant que sujet ? 

La réponse n’est pas claire.  La contre-révolution stalinienne et le fascisme ont permis une décomposition du sujet révolutionnaire.  Il est vrai que jusqu’à présent toutes les activités critiques émergeant des luttes prolétariennes, où durant quelques instants les prolétaires se sont considérés comme sujet de leur propre histoire, se sont repliées, ont été idéologisées, ont vu la « loi » de la valeur reprendre le dessus. 

Le sujet révolutionnaire n’est pas une donnée permanente.  Il s’agit d’un mouvement qui émane de la tension contradictoire qui existe entre la Singularité de l’homme et aboutissants sociétaux du rapport marchand et l’exploitation qu’il suscite.  Historiquement, la question du « sujet révolutionnaire » a toujours été mal interprétée lorsque la classe ouvrière se trouvait en situation de « retrait », de non lutte, lorsqu’il est ouvert à l’idéologie dominante.

 

Le 20ème siècle apporte en ce sens de fameuses réponses quant aux délimitations des intérêts de classes. Alors que l'expression de la nature générique du prolétariat implique la solidarité, signifiant pratiquement comme le rappelait l'AIT, «prolétaires de tous les pays unissez-vous! »,

Les «va-t’en guerre» de la social-démocratie et syndicaux s'opposent pratiquement à la nécessaire solidarité prolétarienne. La social-démocratie et les syndicats se mettent ainsi au service d'une perspective opposée à l'expression de l'être générique du prolétariat. Ce sont ces millions de morts, de condition ouvrière, qui tranchent un éventuel débat sur la fonction de la social-démocratie et des syndicats.

 

La social-démocratie comme négateur du sujet Révolutionnaire

Depuis, dans chaque situation politique importante, ces organisations ont toujours maintenu cette fonction de sergents recruteurs du nationalisme bourgeois. Ce massacre, ou cet appel au massacre ne sont pas restés lettre morte, et les travailleurs ont refusé cette logique, comme l'a montré la vague révolutionnaire de 17-21.

 

La révolution russe

Cette vague révolutionnaire, expression d'une réaction fondamentale contre l'aliénation sociale-démocrate mettait à l'ordre du jour du mouvement solidaire prolétarien, de nouveaux organes politiques pour le prolétariat: les conseils ouvriers et posait ouvertement la question de la gestion de l'Etat, et de la possibilité de mener un débat politique contradictoire quant aux perspectives.

 

Lénine : Cette conception de l’importance du parti est développée par Lénine, et d’autres.  L’apparition du sujet révolutionnaire ne peut résulter que de l’action d’un « parti » distinct, propagandiste, qui détiendrait le sens de l’action à accomplir.  Ce discours reçoit une certaine validation avec la Révolution Russe.  Elle considère que ce passage peut être accéléré par le mouvement de la classe ouvrière organisée dans le Parti.  Cette dernière vision peut être conjuguée de diverses manières.  Ainsi diverses interprétations existent.  Elles interviennent dans un contexte historique bien précis. Mais elles ont un élément en commun : la fidélité à la lettre du « socialisme déterministe », reprochant aux autres interprétations leur incompréhension du cadre de pensée initial.  Mais la Révolution Russe, malgré un réel radicalisme dialectique, ne transforme pas le processus de valorisation du K.  La vision de Lénine radicalise l’approche social-démocrate en prônant la prise en main de l’économie par l’Etat dirigé par le Parti.  Une direction pour mener sa lutte afin d’assumer sa mission historique.  Le Parti pour prendre en charge la gestion économique.

La contre-révolution

Après la révolution, la production va être régulée : l’État contrôle la machine et l’ouvrier Après la révolution russe, et avec la victoire de la contre révolution, le stalinisme impose le développement du productivisme.  Le travailleur est confronté à divers concepts qui nient son autonomie : sur le plan économique - « l’homme nouveau » dans une patrie socialiste : l’ouvrier stakhanoviste, cher à Staline, le travailleur est instrumentalisé et robotisé.  Sur le plan du racisme - l’homme aryen, cher à Hitler, sur le plan idéologique - le citoyen démocrate, cher à Franklin Roosevelt.  C’est le self made man qui prédomine.  En Europe occidentale, la social-démocratie gère ouvertement le K. 

C’est le temps des temps des usines : Keynésianisme : Automation et Robotisation.  C’est que le mouvement de la valeur a été confronté à sa propre logique d’accumulation surproductice et a dû faire face aux impératifs de la guerre.  Le libéralisme a encore besoin que l’État canalise les débordements ; c’est l’heure de Keynes qui recevra des interprétations diverses quant au rôle de l’État Tiers.  Aux USA, c’est la grande récession de 1929, le chômage intensif, qui bouleverse le cheminement de la société.  Ce phénomène de dévalorisation massive qui prend son ampleur  progressivement, implique qu’à un moment dans l’histoire du MPC, il devient une caractéristique nécessaire et généralisée dans le fonctionnement du système économique mondial.  Désormais, la poursuite du développement des forces productives ne peut se faire qu’à la condition d’une destruction massive de valeurs pour maintenir le cycle de production de nouvelles valeurs.  Cet aspect destructeur (de l’environnement, des conditions d’existence, du nombre d’emplois, de valeurs) devient ainsi la logique du fonctionnement social capitaliste.  Quoique la première élection de Roosevelt date de 1932, le triomphe du New Deal n’a supposé rien moins qu’une vague de grèves et d’occupations d’usine sans précédent aux États-Unis, puis une guerre mondiale.  L’État prend diverses formes : parlementarisme totalitaire, dans les pays où la classe ouvrière s’est le plus manifesté – parlementarisme patriotique, ailleurs –.

 

Après la 2ème guerre mondiale

La situation paraît changer après une seconde guerre mondiale, où malgré quelques exceptions les ouvriers ont fait preuve de patriotisme.  La classe ouvrière, qui a défendu le drapeau tricolore durant la guerre participe à la reconstruction.  Cette option sera popularisée par les penseurs du structuralisme, après la 2ème guerre mondiale.  Ensuite, les classes « dangereuses » ne le seraient plus grâce à leur intégration à la société de consommation. Les « bêtes » qui faisaient tant peur à Zola ont été domestiquées, jusqu’à ce que la sauvagerie resurgisse en la personne des nouveaux barbares « de banlieue ».  Il aura fallu en tout cas attendre le triomphe démocratique de 1945, consolidé par « les Trente Glorieuses », pour que soit reconnu qu’un homme en vaut un autre, mais cette équivalence reste dans la comparaison et la quantification.  L’idéologie démocratique a peaufiné le travail.  Le Discours sociétal de la Résistance démocratique se confronte à l’Existentialisme de la jeunesse d’après-guerre.  La Gauche communiste est exsangue.

REFORMISME SOCIAL

Après la guerre, instauration du réformisme social et de l’interventionnisme de l’État.  Le Discours sociétal de la Résistance démocratique se confronte à l’Existentialisme de la jeunesse d’après-guerre.  L’histoire de cet après-guerre illustre le combat mené par la bourgeoisie pour imposer et généraliser ce programme de social-démocrate espérant ainsi générer une situation plus propice au contrôle des effets de la crise.  Il s’agit là de la réalisation du programme de démocratie sociale défendu par la fraction libérale du capitalisme et mise en œuvre par les divers partis Sociaux-Démocrates et libéraux au détriment des fractions les plus rétrogrades du capitalisme.  Fractions défendant des intérêts agraires, ou financiers liés au monde agricole, ou fractions défendant une étatisation à outrance à l’exemple du sectarisme stalinien.  Ces derniers contrôlant les organisations s’adressant directement à la classe ouvrière comme les syndicats.  Ce qui implique la persistance, au sein de la bourgeoisie d’oppositions d’intérêts particuliers divergents, d’une lutte fratricide n’hésitant pas à utiliser les armes les plus extrêmes pour éliminer des concurrents politiques.

La réalisation du programme de démocratie sociale est possible grâce au mouvement même du capitalisme, à son extension, à sa généralisation au passage de plus en plus prononcé d’une PV relative à une PV absolue, grâce à l’accroissement de la productivité et de l’intensification du travail.  Le capital est à même d’augmenter le salaire, tout en avalisant le salaire relatif, signifiant pour le K augmentation du taux et de la masse de PV.  Il faut donc relativiser ce qui est appelé amélioration des conditions de vie de la cl o.  Bien plus que le résultat d’une lutte, il s’agit d’une application du programme de gestion du K nécessaire à sa propre survie.  Ce programme a favorisé une augmentation de la consommation ouvrière ouvrant au K de nouveaux débouchés momentanés.  Ce qui ne signifie pas une solution en soi, compte tenu du surendettement chronique du K. Le programme de la SD implique, non la disparition de l’exploitation, mais une meilleure répartition des fruits de cette exploitation grâce à une intervention plus appropriée de la gestion étatique.  Ceci ne signifiant pas nécessairement plus d’Etat, comme en témoigne le programme de T Blair, de Clinton,...Après la purge de la 2ème GM., les USA entament plus rapidement la reconstruction, et modernisent le processus de production. 

LA RECONSTRUCTION

La reconstruction d’après-guerre ouvre de nouvelles perspectives au développement du K.  La domination réelle du capital se développe.  Les nouvelles technologies prennent leur essor et bousculent le système économique traditionnel.

Le K se « mondialise » après la 2ème guerre mondiale. : La « reconstruction » de l’après-guerre confirme ce mouvement : liquidation, en France, en Belgique, en Angleterre des anciens bassins miniers ; transformation des outils traditionnels de production, technicisation extrême du processus d’accumulation font qu’une transformation de la classe productive s’opère également.  Ceci impose au capital la nécessité de former de nouvelles couches sociales capables d’assumer l’accumulation.  Mai 68 illustre certainement la transformation en cours et le surgissement de nouveaux impératifs économiques.  Les outils technologiques liés à l’informatisation sont en gestation.  La bourgeoisie européenne se voit contrainte de moderniser, non seulement ses outils économiques, mais également son appareil de formation et de favoriser le développement de nouvelles idéologies renforçant la réification en cours.  Et la reconstruction d’après-guerre met au goût du jour l’image du citoyen développant la productivité, et pouvant consommer librement.  Une nouvelle appréhension du fonctionnement du K se faufile.

REACTIONS OUVRIERES

Pourtant les travailleurs réagissent : Berlin, Budapest, 60-61 en Belgique.  Ils remettent en cause l’équilibre du keynésianisme.  De même, dans les pays de l’Est, les ouvriers surexploités et privés de tout droit politique étaient assurés d’un emploi et donc d’une consommation misérable mais garantie ; les kolkhoziens également dénués de liberté avaient cependant celle de ne pas mourir de faim et de cultiver un lopin familial. À l’Ouest comme à l’Est, ces équilibres se sont disloqués sous le choc des luttes sociales des années 1960.  Ces mouvements constituent le prélude de Mai 68.  Ceci impose au capital la nécessité de former de nouvelles couches sociales capables d’assumer l’accumulation.  Mai 68 illustre certainement la transformation en cours et le surgissement de nouveaux impératifs économiques.  Les outils technologiques liés à l’informatisation sont en gestation.  La bourgeoisie européenne se voit contrainte de moderniser, non seulement ses outils économiques, mais également son appareil de formation et de favoriser le développement de nouvelles idéologies renforçant la réification en cours.

Le structuralisme une nouvelle théorisation : Au sortir de la 2ème Guerre Mondiale, alors que la pensée structuraliste domine les années 50 et 60, pensée antihistorique et totalitaire qui se place "au point de vue de l'éternelle présence d'un système qui jamais n’a été créé et qui ne finira jamais".  Un débat se déroule au sein de « Socialisme ou Barbarie[i] » qui porte sur l’intégration de la classe ouvrière, comme classe pour le capital.  Le postulat que la révolution n’est plus possible car suite à la domination réelle du capital, la loi de la valeur a envahi tous les pores de la société ; les ouvriers sont intégrés au système de consommation, et l’idéologie est là pour assurer leur sujétion au capitalisme. Il n’y a pas d’espoir qu’une « prise de conscience » puisse s’opérer.  

Les outils technologiques liés à l’informatisation sont en gestation.  La bourgeoisie européenne se voit contrainte de moderniser, non seulement ses outils économiques, mais également son appareil de formation et de favoriser le développement de nouvelles idéologies renforçant la réification en cours.  C’est en effet le constructivisme qui a les faveurs des nouvelles critiques avec l’argument suivant : l’essentialisme ne fait que naturaliser les identités dans une stabilité immuable ; pour en sortir, il faut le déconstruire (au sens de Derrida), afin de subvertir les identités.  C’est sans doute la rupture la plus manifeste avec les auteurs, désormais classiques, de la Critique.   Les théories du structuralisme foucaldien ou althussérien ou l’apport de Deleuze dans la théorie du pouvoir, proclament que le « pouvoir n’a pas à proprement parler de sujet ».  Le structuralisme véhicule une vision déterministe de la société où la classe ouvrière en est réduite à n’être qu’une partie du K.   

Le structuralisme connaît, à partir de 1967, un lent déclin né de la fragilisation de ses positions théoriques. Les premières fissures sont au nombre de cinq : le générativisme chomskyste, la déconstruction derridienne, la linguistique de Benvéniste, la conversion de Barthes par Kristeva et l’émergence de Pierre Bourdieu. La réception de Chomsky et l’intervention de Benvéniste sapent les acquis de la linguistique structurale d’inspiration saussurienne, qui constituaient la base du programme structuraliste, tandis que la déconstruction de Derrida, son mouvement vers l’écriture littéraire, qui s’accompagne de la progressive conversion par Kristeva de Barthes au plaisir du texte via Bakhtine, s’éloignent du scientisme qui dominait le discours. Par ailleurs, la sociologie des élites de Bourdieu, la critique marxiste et la déconstruction du structuralisme par Derrida privent le discours structural de son hégémonie. Ainsi, si en 1967 les média proposent de se faire l’écho du structuralisme, la cohérence du champ est en train de s’effondrer.  Les événements de mai 1968, viennent encore troubler une théorie dont 1966 avait finalement constitué l’âge d’or.

Avec Mai 68, où le sujet révolutionnaire s’oppose à la vision d’une gestion étatiste contrôlée par le parti.  Et si Mai 68 remet à l’ordre du jour l’expression du sujet révolutionnaire, avec le recul, la théorie de l’intégration du prolétariat refait surface : ainsi,  le même débat traverse RI avec la Tendance Bérard. 

 

Bordiga

Mais si Bordiga a toujours mis, après la seconde guerre mondiale, au premier rang dans la définition du communisme la suppression de la valeur, de l’argent, de la marchandise et de l’échange, par contre le courant conseilliste issu pour simplifier, de la gauche germano-hollandaise, défend comme le GIK néerlandais non pas « l’abolition du salariat et de l’argent » mais « la mise en place de modalités de répartition ‘‘non plus arbitrairement fixées et sur lesquelles les travailleurs ne peuvent rien’’ mais au contraire déterminées par eux à l’aide notamment de l’instrument comptable approprié. »

Pour Bordiga, démocratie est synonyme de libre examen par des individus se considérant égaux et décidant à la majorité. Si le parlement étouffe les prolétaires en les associant à la bourgeoisie, la démocratie ouvrière est tout autant à rejeter, car l’énergie de lutte des prolétaires s’y décompose en décisions individuelles.  La démocratie équivaut à une réunion de volontés et de droits égaux, ce qu’ils ne peuvent être dans le parlementarisme bourgeois, et n’ont pas à être dans l’action de classe du prolétariat : la révolution ne dépend pas de mécanismes majoritaires ou proportionnels, mais de la capacité du prolétariat organisé à se doter d’une force centralisée et d’un cerveau collectif.

 

Pour Marcuse, qui croyait en l’effondrement du système, la société capitaliste ne périra pas de ses contradictions internes, ni sous l’action des ouvriers modernes, mais elle sera frappée à mort de l’extérieur par la masse de ceux qui ne peuvent entrer dans le système et qui même en sont rejetés.  Mais qui sont les « sans espoir » dont parlait Walter Benjamin pour qui c’était « par les sans espoir que l’espoir nous est donné » ?  Il semble, que les véritables « sans espoir » ne sont pas ceux qui ne sont pas encore entrés dans la société de consommation, mais ceux qui en sont saturés.  C’est l’expérience même de la société d’abondance qui permettra, concrètement de remettre en cause la société de consommation.

En effet, on trouve chez Adorno et Horkheimer, chez Marcuse, mais aussi chez Sartre, une vision humaniste et essentialiste qui ne les empêche pas de formuler des critiques radicales. C’est peut-être même parce qu’ils sont tributaires d’une vision de l’homme qu’ils peuvent entrer en conflit aussi radicalement avec le pouvoir, notamment Marcuse avec son idée du « grand refus ».  Theodor Adorno a ajouté au concept de Marx d’augmentation de la composition organique du capital, le concept selon lequel la “composition organique de l’homme” est en croissance: "ce n’est que lorsque le processus qui commence avec la métamorphose de la force de travail en une marchandise a complètement pénétré les hommes et objectivé chacun de leurs instincts comme des variations commensurables du rapport d'échange, qu’il est possible que la vie se reproduise sous les relations prévalentes de production."   Le développement de la composition organique de l'homme d'Adorno saisit la tendance immanente du capital dans sa phase de  domination réelle de prolonger les changements de la composition technique du capital, la relation du travail mort au travail vivant, dans la constitution même de l'ouvrier : ses besoins, ses affects, sa vision du monde, son univers perceptuel.  Tandis qu'Adorno a pu  capter une des tendances immanentes du capitalisme dans sa phase de domination réelle, nous croyons que sa vision d’augmentation de la composition organique de l'homme est trop pessimiste ; qu'elle empêche pratiquement n'importe quelle possibilité de lutte révolutionnaire ou de développement de la conscience de classe de la part du travailleur collectif.

 

Nous ne voulons pas sous-estimer la capacité de capital de subjectiviser la population à sa loi ; ses succès ont été historiquement impressionnants. En effet, la puissance  du nationalisme, sous toutes les formes de gauche et de droite, la recrudescence des idéologies religieuses, qui ont littéralement remodelé une partie considérable de l’humanité, sont un avertissement à ceux qui pourraient sous-estimer cette puissance du capital et le point auquel le rapport d'échange a pénétré la plupart des aspects de l’existence humaine.  Cependant, il nous semble également qu'il existe des contre-tendances au pouvoir du capital de provoquer la subjectification dont il a besoin et qu’il désire ; ces contre-tendances sont inhérentes à la forme valeur elle-même et à ses lois de mouvement.

 

D’autres négateurs du sujet révolutionnaire

Bourdieu : « Pour Bourdieu, les classes sociales sont seulement "à l'état virtuel" dans "un espace social" de différences, "non comme un donné, mais comme quelque chose qu'il s'agit de faire".  Pierre Bourdieu se demande si les structures sociales d'aujourd'hui ne sont pas les structures symboliques d'hier, et si “ les classes ne sont pas le produit théorique du travail de Marx ”.  On glisse ainsi subrepticement de la classe-processus, produit de son auto-développement historique, au volontarisme verbal.   Les classes ne sont donc pas les produits mécaniques d'une infrastructure économique, mais le résultat d'un processus constitutif de leur définition. La prise en compte légitime de cette dimension politique, culturelle, symbolique, des représentations sociales, peut aussi conduire, si l’on n’y prend garde à confondre l’obscurcissement des représentations avec la disparition des réalités qu’elles représentent.

Gorz : Ou plus près de nous, d’André Gorz qui considère que  « la lutte de classe du prolétariat entrée dans sa phase terminale », ouvrant la voie à la sociologie de Touraine faisant ses « adieux au prolétariat » au profit des « nouveaux mouvements sociaux » censés prendre le relais avec le succès que l’on sait : le « changement social » dans la continuité capitaliste. 

Negri : La critique de Négri : Antonio Negri avec le sacre de la « multitude » comme nouveau sujet révolutionnaire.  Sujet révolutionnaire de la post-modernité, la multitude serait la solution de rechange au prolétariat, garante d'une totale égalité du fait de ne rien posséder, et d'une totale liberté par ses capacités à produire des singularités d'ordre ethnique, communautaire, religieux, géographique etc. Pour Negri, la révolte issue de la douleur du pauvre, de l'exclu, de l'humilié, du colonisé, de l'esclave, aura la force d'une rédemption. Mais le passage à l'autre société n'en restera pas moins « un chemin d'épines », semé de souffrance, puisque l'insurrection et la destruction de l'ennemi global en seront le prix à payer.

« Un spectre hante le monde » écrit-il, celui des migrations massives, ces millions d'individus déracinés, ballottés, abandonnés qui forcent l'Empire à réagir par la guerre globale. Aussi assimile-t-il la lutte de classe du XXIe siècle au gigantesque exode des populations misérables, à la levée d'une « nouvelle horde nomade », cette « nouvelle race de barbares » dont les capacités destructrices seraient en attente d'une réelle structure partisane et d'une base théorique commune.   Il affirme le caractère « progressiste » du néolibéralisme en voie de détruire l'Etat-nation pour lui substituer « l'Empire », état suprême de domination. Negri fascine en associant la thèse marxiste de l'aliénation du prolétariat par le capital à celle de Foucault et de Deleuze sur la dimension biopolitique d'un contrôle mondial total des corps et des consciences. 

La mondialisation actuelle correspond à l’émergence d’une évolution du capitalisme depuis 1975.  Cette forme de capitalisme n’a plus grand-chose à voir avec le capitalisme industriel qui, à sa naissance rompit avec le capitalisme mercantiliste et esclavagiste.   Les articles de Sander, publiés dans PI 32-33-34-37 « Les racines de la crise capitaliste » suivent de près cette évolution.

 

Une question apparaît à la suite de Jappe et Kurz 

Que penser du postulat que la révolution n’est plus possible, car suite à la domination réelle du capital, la loi de la valeur a envahi tous les pores de la société ; les ouvriers sont intégrés au système de consommation, et l’idéologie (actuellement : campagnes anti-terroriste) est là pour assurer leur sujétion au capitalisme. Il n’y a pas d’espoir qu’une « prise de conscience » puisse s’opérer ?

Que penser du concept de « l'insaisissabilité de l'identité prolétarienne aujourd'hui », il semble rejoindre la théorisation de « l’évanescence du travail », de Temps critique.   .  Mais peut-on en déduire que cette phrase de Marx, sur les « fragment sur les machines » des Grundrisse, prédisant le triomphe de la machine au détriment du travail humain soit une prédiction effective ?  Manifestement, si dans la période actuelle, la machine s’est transformée : automatisation, numérisation,… le travail humain est encore bien présent.  Et il me semble que la contradiction se situe à ce niveau-là.  Contrairement aux affirmations de Jappe, Kurz, et Temps critiques, il n’y a pas dissolution des classes.

fd

 

[i] Socialisme ou Barbarie : groupe qui refusait le léninisme, et qui prônait l’autonomie de la classe ouvrière.

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