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Aujourd’hui, tout est mis en œuvre pour insuffler le sentiment de peur : peur du covid, peur du réchauffement climatique, peur de l’augmentation des prix du gaz,…cette peur empêche de réfléchir et permet que se développe un discours populiste.  L’enjeu reste, pour la bourgeoisie, d'empêcher que la réalité de l'exploitation n'éclate de toute part, que la réalité des rapports de production ne s'étale, et cela en adaptant le discours idéologique. 

Discours sociétal après 68 :

L’après Mai 68 voit fleurir le discours radical de gauche s'adaptant aux divers mouvements sociaux et a produit historiquement un discours humaniste réactionnaire prônant le retour aux valeurs originelles : amour de la nature, de la communauté primitive, du solidarisme, de la communion esthétique.  Tout cela produit un discours égalitariste sous la postmodernité où l’homme d’aujourd’hui est considéré comme citoyen consommateur, capable d’être acteur du spectacle décadent offert par le capitalisme aujourd’hui.  L’après-Mai 68 tentera d’adapter la formation de ce citoyen consommateur aux exigences d’une main d’œuvre plus autonome, capable « d’autogérer », avec la révolution technologique et informatique, la valorisation du capital.

  Le travail est devenu de plus en plus parcellarisé, spécialisé, anonymisé, numérisé et de moins en moins créateur et émancipateurs : taylorisme, fordisme, travail à la chaine.  Surveillance, exercices, manœuvres, notations, classements, examens, enregistrements — toute une manière d'assujettir les corps. Le capital a morcelé le territoire, l'a privatisé, a créé des clôtures, des enceintes, des lieux de résidences forcés. Il s'agissait d'assujettir les travailleurs au projet du capital, de les former, de les contrôler, de les appréhender dans leur être et dans leur manière d'être. La société industrialisée s'est dotée de lieux spécifiques où elle peut s'assujettir la force de travail dont elle a besoin pour se reproduire et se développer, apprendre à cette force de travail à se discipliner et à répondre aux injonctions dont elle est l'objet, briser les résistances.

Le nouveau pouvoir industriel développe ainsi de nouveaux rapports sociaux et cherche à provoquer la désolidarisation, l'individualisation des travailleurs afin de les rendre dépendants. Se crée ainsi une idéologie de l'entreprise : en tant que lieu social de la production, la possibilité est offerte de reproduire les rapports sociaux. Ce lieu est aussi le centre pratique du rapport entre la vie quotidienne, le travail, les loisirs qui s'organisent autour de l'entreprise. Ce lieu est le siège de la rationalité économique qui tend à étendre à la société tout entière la division technique du travail. Au sein de l'usine se reproduisent les rapports sociaux d'exploitation et de domination, d'autorité et de pouvoir, et donc aussi, contradictoirement à ce que recherche le nouveau pouvoir industriel, les bases d'une résistance ouvrière, d'une solidarité de classe.

Le travail n’est plus, comme chez les Grecs, la possibilité de créer une œuvre, de se réaliser.   On retrouve dans ce monde néolibéralisé, financiarisé, débridé, basé sur le « toujours plus » : c’est ce que l’on peut désigner sous le vocable de « pléonexie ».  

Pourtant, dans le processus actuel de la mondialisation une révolution de la même ampleur que la révolution industrielle du XIXème siècle est en cours : le commerce, les nouvelles technologies et les échanges de toutes sortes font éclater le cadre de l’Etat-nation, hérité du XXème siècle.

Cette remise en cause de l’Etat-Nation par les réseaux concerne, à terme, la capacité des gouvernements à lever l’impôt et celle des banques centrales nationales à émettre de la monnaie.  Le réseau devient un paradis fiscal où toutes les transactions, a-nationales, sont effectuées avec une monnaie virtuelle et hors de tout prélèvement fiscal.  La liberté des transactions internationales, l’ouverture et la déréglementation des Bourses ont enlevé aux Etats le contrôle qu’ils exerçaient jadis.  Un nouveau paradigme s’est ouvert.

Tout cela dissimule des situations individuelles ou familiales tendues : les locataires qui vivent à Bruxelles et qui subissent la flambée des loyers ; ceux qui sont allés vivre à Enghien, Denderleeuw ou Tubize pour avoir un loyer plus bas, mais qui subissent les hausses du prix de l’essence ou les dérèglements de la SNCB ; les familles monoparentales dans lesquelles il est compliqué de concilier les obligations professionnelles et l’éducation des enfants… Il y a une divergence profonde entre la perception du monde politique, des experts, des médias, et les situations vécues de précarité.

Une idéologie du doute s'installe, non pas le doute vivifiant de la remise en question et de la recherche indispensables, mais le scepticisme quant à la possibilité d'un avenir différent que celui offert par le capitalisme. Raymond Aron résume cela très bien lorsqu'il proclame que « Le progrès apporte désormais les désillusions » (1969). Quant à Crozier, autre sociologue français, il théorise, déjà, en 1970 « La société bloquée ».

Des besoins artificiels sont créés : la publicité agit sur les besoins, elle les formule et les fait correspondre aux objets produits et inversement. La massification conduit à des phénomènes complexes de perte d'identité. L'individu est seul dans la foule. Il y a tendance à la normalisation de la pensée en fonction d'une norme sociale abstraite et moyenne, une pression permanente exercée sur les mentalités, les conduites, les personnalités, conduisant à la soumission passive, à la défense de stéréotypes culturels, aux modes. Les sociologues vont théoriser la société de consommation : l'individualisme se renforce dans la société de loisirs, TV, frigos, autos,... « La consommation est un mythe », comme le soulignait Baudrillard, dénonçant celle-ci comme la forme majeure de l'aliénation contemporaine. Il est évident que la consommation présente à la fois une caractéristique fonctionnelle : la satisfaction de besoins, et obéit à une « représentation » du bien-être véhiculé par l'idéologie bourgeoise grâce à la publicité, au design,... L'atomisation de la classe ouvrière se renforce sur le plan idéologique. « Ma voiture, c'est ma liberté » caractérise l'aspiration fantasmée à une liberté individuelle. 

L’angoisse des pauvres est évidemment à relier avec leurs conditions de vie, mais la difficulté n’est pas analysée comme sociale, elle est intégrée par les personnes au niveau personnel comme une atteinte aux capacités individuelles.  La désespérance existentielle est renforcée par les injonctions paradoxales qui demandent une réussite dans le travail et par le travail (l’insertion c’est toujours l’emploi, le travail).  Il est clair qu’il n’y a pas de travail, pas assez de travail ou alors quand il existe, il est précaire, mal payé, sans perspectives ni garanties minimales, sans possibilité de progresser, sans gratifications.  La réalité de cette douleur, de cette détresse est étudiée dans un rapport officiel sur la souffrance, ou d’autres sur les conséquences vis à vis des familles, de l’école.  Quand la valorisation de la personne (le lien de soi à soi) est atteinte (en général au terme d’un processus graduel, où le sentiment d’identité personnelle est mis à mal par la société et l’exclusion), le lien social est attaqué à la racine, au profit d’un lien parcellaire, régional, sexiste.  De plus, les mesures qui portent sur l’insécurité, la vidéosurveillance, sur le quadrillage policier, ne font que renforcer la sensation de malaise.

Dans ce cadre, le relativisme et l’individualisme font bon ménage.

L’Etat national ne garantit plus rien : sa crédibilité a été dispersée entre représentation régionales d’une part et internationales d’autre part.  Aujourd’hui, l’anonymat est renforcé par le spectacle de l’Etat télévision et les délocalisations obligeant les travailleurs à la « flexibilité », faisant disparaître la nomination du Patron au profit d’une « culture d’entreprise ».  L'Etat ne doit plus contrôler par en haut, l'idéologie s'est largement décentralisée, via le câble, les TV locales, et imprègne toute la vie quotidienne, faisant que l'on assiste à un réel phénomène d'autonomisation de celle-ci...  Cette situation a engendré une peur du chômage, de l'exclusion, de la maladie, de l'insécurité.  Il faut rassurer, et cela s'incarne dans les thématiques émergentes de la santé, du terroir, de la famille retrouvée, de l'écologie, du retour au passé, obligeant la bourgeoisie à réorienter son discours idéologique : « 35 heures », diminution du temps de travail, création de nouveaux circuits de travail ont été des thèmes de mobilisation.  Ce qui apparaît essentiellement, c'est le souci de défendre l'emploi, voire le non-emploi, et l'entreprise dans un contexte de recomposition où les certitudes économiques du passé sont balayées.

Le service doit être maintenu sans agents de l’Etat, par télématique et virtualisation, avec des agents de plus en plus privés.  FD

 

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